Dans la première partie de notre article consacré à l’apéritif, on est parti à la découverte des origines de l’apéro, depuis l’Antiquité grecque jusqu’à la tendance actuelle du Low ABV.
Il est temps maintenant de faire un petit tour du monde de l’apéro, sans prétendre à l’exhaustivité, avec quelques spiritueux que nous apprécions particulièrement.
Les liqueurs
En général
Certaines recettes de liqueurs nous parviennent du XVIᵉ siècle, comme la Chartreuse et la Bénédictine, élaborées par les moines. Ces dernières sont composées à partir d’une infinie diversité d’aromates (fruits, feuilles, graines, écorces, racines…). Mais il existe aussi des liqueurs beaucoup plus simples. Que les arômes soient capturés par macération ou distillation, une liqueur doit être sucrée, avec un minimum de 100g/L de sucre. Les crèmes, quant à elles, sont des liqueurs à fort taux de sucre, 250 g/L de sucre minimum.
Certaines liqueurs sont utilisées en cocktails, comme le triple sec ou les crèmes (de cassis ou autres), parfaites pour les kirs. D’autres se boivent pures ou en cocktail Low ABV, lorsqu’elles sont rallongées d’un soft, tonic ou autres.
Pour un apéritif simple et sans maux de tête, on a repéré trois liqueurs qui se marient très bien avec un tonic. Pour les puristes, elles sont également délicieuses en dégustation pure.
La Covert Liqueur d’Audemus Spirits, créée par le génie des spiritueux de botaniques, Miko Abouaf. Une liqueur de feuilles de figue, raffinée et chaude comme un parfum d’été indien.
La sapinette de Maison 16, créée par César Triouleyre. Une liqueur bio élaborée en Haute-Loire par amour du terroir. Les aiguilles et bourgeons de sapin utilisés pour la macération sont cueillis à la main et localement. Les seuls ingrédients utilisés sont : de l’eau, de l’alcool bio, du sucre bio, du sapin bio. De quoi re-découvrir la sapinette dans sa version moderne et responsable ! Plus besoin d’attendre la fin du repas pour en profiter, sa pureté lui confère la qualité d’apéritif.
Amer, bitter, amaro : des liqueurs apéritives amères
Ces trois termes désignent la même chose dans différentes langues. Le premier est français, le second anglais, le dernier italien. Les trois sont des liqueurs apéritives amères. La gentiane, le quinquina, l’amande amère, l’orange amère, l’écorce de certains arbres et certains fruits, la rhubarbe… de nombreux ingrédients botaniques, sélectionnés pour leur amertume, infusent dans de l’alcool distillé. Les amers sont plus fort en alcool que les vermouth, ou que les apéritifs à base vin en général.
On ne présente plus les amaros italiens (ou amari, pour être plus italiens) les plus répandus, que sont le Campari ou l’Aperol. Si l’on doit donner une alternative pour réaliser des Spritz plus raffinés, il existe aussi l’amaro vénitien Select. Moins sucré, moins fluo (ce qui est toujours un bon présage), il laisse plus de place à l’expression des trente botaniques qui composent sa recette.
Si vous aimez beaucoup l’amertume, le Cynar devrait vous satisfaire. Parmi ses botaniques, fait original, on trouve de l’artichaut. Pour un negroni bien corsé, c’est parfait !
On retrouve également, principalement en France, des amers à base de gentiane, comme la Suze, le Salers, l’Avèze ou autres. La star française demeure le Picon, dont on peut assaisonner sa bière par exemple, pour un peu plus d’amertume.
Le phénomène des alcools rétro est particulièrement impressionnant au niveau de ces liqueurs amères. Il a commencé avec l’Aperol, que le groupe Campari rachète en 2003. À l’époque, plus personne ne boit d’Aperol depuis longtemps. Aujourd’hui, pas une seule table n’est dépourvue de Spritz dès le mois d’avril.
On peut citer aussi le Jägermeister, cette obscure liqueur allemande qui a fleuri dans le monde de la nuit (en “discothèque” devrais-je dire du haut de mes 30 ans passés). Elle se retrouve allongée de Red bull pour obtenir un cocktail jäger-bomb, aussi bon au goût que pour la santé, comme on peut se l’imaginer.
Mais on s’éloigne de l’apéro. Dans une moindre mesure, les apéritifs de gentianes ont aussi la cote. Ils sont plus ou moins industriels (Suze, Salers, Avèze, gentiane artisanale…). Nos goûts qui étaient extrêmement sucrés commencent à évoluer au niveau de l’accueil réservé à l’amertume.
Les apéritifs à base de vin
Avec l’essor des cocktails classiques depuis une vingtaine d’années, on assiste aussi à une véritable renaissance des vins aromatisés. Le retour aux recettes originelles, le re-lancement de nombreuses marques mythiques, et même l’apparition de nouveaux producteurs en témoignent.
Ces vins aromatisés sont les apéritifs par excellence. Servis frais ou sur glace avec un zeste d’agrume, ils peuvent aussi se marier avec un soft, en cocktail low ABV. Ils se mélangent par ailleurs très bien avec de nombreux spiritueux, pour créer une grande variété de cocktails.
Vermouth
Comme on l’a vu plus haut dans l’histoire de l’apéritif, le vermouth vient au départ d’Italie, au XVIIIᵉ. C’est un vin aromatisé auquel on a ajouté de l’alcool et des extraits de diverses plantes d’absinthe.
On retrouve des marques françaises historiques, comme Lillet, créé en 1872, Noilly (futur Noilly-Prat) en 1813, ou encore Dolin en 1821.
“L’histoire du Vermouth Dolin est intimement lié à un terroir fantastique : Les Alpes”, Pierre-Olivier Rousseaux, propriétaire de Dolin, dans La bible des alcools, Margot Lecarpentier, Hachette, 2018.
Lillet, comme Dubonnet ou Suze par exemple, fait partie des marques de Pernod Ricard qui bénéficient d’un renouveau de communication, notamment avec les Lillet-tonics, frais et légers pour un apéritif low ABV.
Le dynamisme de cette catégorie a permis de voir émerger quelques pépites, ces dernières années. On vous les conseille les yeux fermés (au sens propre comme au figuré) :
Le Vermouth del Professore, dont le but était de recréer le style populaire du vermouth tel qu’il existait en Italie à la fin du 18ᵉ siècle.
Le Nar Vermouth, français, mais d’inspiration orientale. Nicolas Brun, son créateur, s’est inspiré de son expérience en Turquie pour créer un vermouth unique, aux saveurs des étals d’épices Stambouliote. Sa version dry va bientôt sortir !
Les vermouths Kina Karo. La Maison Kina Karo a été créée en 1928, pour produire un apéritif à base de quinquina, dans la même veine que Dubonnet ou Byrrh. Depuis 2019, elle connaît un nouveau souffle, avec une nouvelle vision de la consommation et d’une éthique responsable. Les nouveaux vermouths, comme le reste de la gamme, sont sans colorants, sans arômes artificiels et sans conservateurs.
Les apéritifs au quinquina
En parallèle des vermouths, les vins aromatisés se sont développés, notamment les apéritifs au quinquina : Dubonnet en 1846 et Byrrh en 1886, pour donner deux exemples français. Comme on l’a vu plus haut, le quinquina, anti-paludéen naturel, permet à ces boissons de se répandre au départ dans les rangs de l’armée coloniale, en Afrique du nord.
Plus récemment, la postérité de Dubonnet a été assurée par Elizabeth II, dont il était la boisson préférée. Les ventes ont explosé, notamment en Australie.
En 2016, on pouvait lire dans un article des Echos : “Pernod Ricard réveille ses vieux apéros : Suze, Dubonnet et Byrrh refont surface dans les bars branchés de New York ou Tokyo au travers des cocktails. Une relance progressive, au cœur d’un marché de l’apéritif en France, qui s’élève à 27 milliards d’euros”.
Les apéros rétros, après avoir été relégués aux fonds des armoires de nos grand-mères, reviennent sur le devant de la scène, notamment grâce au développement de la mixologie.
Les anisés
L’absinthe étant interdite en France au début du XXᵉ siècle, il faut trouver une solution pour continuer à profiter de boissons au goût anisé. En 1934, Paul Ricard lance le pastis. Cet anisé doux, exempt de l’amertume caractéristique de l’absinthe, devient alors une star dans cette période de révolutions sociales, avec par exemple l’instauration des congés payés. L’absinthe ne revoit le jour qu’en 1988, temporairement sous le nom de “spiritueux aux plantes d’absinthe”, puis, en 2011, d’ « absinthe”.
Dans le monde, on retrouve au Liban “l’Arak” historique, qui donnera le Raki, spiritueux national turc, et meilleur ennemi de l’Ouzo grec. On retrouve parfois de l’anis dans les recettes scandinaves d’Aquavit. En Espagne, de nombreux anís sont produits dans la région de Chinchón. De là sont aussi nées les anisettes algériennes, que l’on a rapportées en France, ou encore l’aguardiente à base de mélasse en Colombie. Finalement, l’anis est donc le plus international des apéritifs.
Aujourd’hui, en France, on retrouve bien sûr l’éternel Ricard, mais aussi de nombreux anisés artisanaux, comme le Pastis 12/12, à Saint Tropez, l’anis des gones, de la Distillerie de Lyon, ou le pastis Bardouin.
Les inclassables
Ils sont sortis en 2023, et méritent bien leur catégorie à eux :
Lutèce, l’apéritif parisien, création de Joshua Fontaine, fondateur de la Candelaria et du Mary Celeste à Paris. Clin d’œil aux apéritifs français traditionnels, il en reprend certains codes, remaniés dans une expression très contemporaine. On ressent une légère amertume avec la gentiane, qui rappelle la Suze ou le Salers par exemple. Une légère note anisée, grâce au fenouil, évoque subtilement le pastis du sud. Le résultat est herbacé et naturel, à la fois nouveau et familier.
Le Capucin, créé par la maison de cognac Rémy Landier. C’est à Jean-Yves Landier et sa fille Géraldine Landier, quatrième et cinquième générations de la famille, que l’on doit cette pépite. Jean-Yves est inspiré par son enfance dans la campagne charentaise. Avec Géraldine, ils souhaitaient créer une liqueur qui soit à la rencontre entre un pineau des Charentes, un vermouth et un amer. Au final, on retrouve un apéritif à la fois simple et raffiné, amer et doux, qui reflète leur savoir-faire. C’est la vie rurale, charentaise, qui a inspiré le nom de cet apéritif : le Capucin, sobriquet du lièvre qui gambade au milieu des rangs de vigne.
L’Elixir 32, de la Maison d’armagnac Dartigalongue. Benoît Hillion, directeur et représentant de la 6e génération, a imaginé une sorte de liqueur hybride avec son maître de chais Ghislain Laffargue. À mi-chemin entre l’amaro et la liqueur traditionnelle, mais plus faible en sucre, l’Elixir 32 coche beaucoup de cases, et ne s’enferme pas dans une catégorie précise. La recette est réalisée à base d’armagnac de la Maison, de pruneaux d’Agen, de thé noir et d’épices. Mais elle contient également une légère portion d’une très vieille liqueur d’armagnac et pruneau des années 70’s. Une pépite, hommage au terroir du Gers.