Cette semaine nous partons à la découverte de la Dame de Pique et de Romuald Vincent, qui, décidé à mettre en avant son héritage familial, s’est lancé comme défi de remettre au goût du jour une tradition quasi-oubliée des vins de plantes sauvages. Plus précisément une recette utilisant l’épine noire, ou prunelier, une plante sauvage que l’on trouve dans les bois de Charente.
Pour la Dame de Pique, tout commence par une lente récolte, entre avril (pour les pousses) et novembre (pour les baies), chacune de ces pousses et de ces baies sont prélevées puis travaillées séparément dans une base de vin et de cognac. Le secret réside ensuite dans une double fermentation pendant laquelle tous les éléments libèrent lentement leurs arômes. En résulte un apéritif à 12°, doux et délicat aux notes subtiles de griottes… un délice !
Fort de cette première réussite, le liquoriste a décidé de ne pas s’arrêter là et, dans l’optique de faire rayonner le terroir de son village de Saint-Brice, a lancé un nouvel Elixir. Sa quête le mena jusqu’à l’abbaye de Châtres, proche du village, dont les moines cultivaient un savoir-faire bien particulier… celui de la récolte de plantes sauvages et de l’élaboration de vins médicinaux. Romuald conçu donc son Elixir comme un vermouth, fruit du savoir-faire régional en matière de vin et d’une sélection rigoureuse de la vingtaine de plantes locales qui entrent dans son élaboration.
Nous avons eu la chance d’échanger avec Romuald qui a accepté de revenir, pour nous, sur sa démarche, la manière dont il a élaboré ses produits et le futur de la Dame de Pique.
Pourriez-vous nous raconter l’histoire derrière la Dame de Pique ?
Dame de Pique est née de ma volonté de perpétuer une tradition familiale propre au village de Saint-Brice et à ma famille: celle de la veine d’épine noire. C’est un projet que je nourrissais depuis mal de temps déjà mais auquel je n’avais jamais pris le temps de m’atteler. Et malheureusement, c’est la mort de mon grand-père qui m’a décidé à franchir le pas. A l’origine, il s’agissait donc initialement de relancer une production artisanale et surtout de faire connaître un savoir-faire sans équivalent en dehors des limites du village. Et puis progressivement, au gré des rencontres que j’ai pu faire, des échanges qui ont suivi et surtout des retours très positifs, j’en suis venu à m’intéresser à d’autres facettes de la commune, d’autres techniques de production là encore méconnues qui m’ont conduit progressivement au vermouth, à une nouvelle aventure et ainsi à faire de la marque une maison à part entière.
Comment avez-vous élaboré la recette de cette veine d’épine noire ? Et celle de votre Elixir ?
Pour la veine d’épine noire, je me suis basé tout simplement sur le savoir-faire de mon grand-père Christian. Etant môme il m’arrivait de lui prêter un coup de main lors des cueillettes et des macérats et j’ai également pu compter sur l’expérience de ma mère qui a pu coucher par écrit une partie du process peu avant qu’il ne décède. Combiné aux conseils d’un ami maître de chais, à pas mal d’expérimentations personnelles (plus ou moins fructueuses ! ), qui m’ont permis de redécouvrir entre autre le processus de déclenchement des fermentations ou encore le respect de certains cycles lunaires, je suis parvenu à relancer un premier batch. Lequel a servi de modèle par la suite jusqu’à être affiné à sa version définitive.
Pour l’élixir, là encore les premières phases se sont faites de manière très empirique, c’est le côté artisanal ! J’ai toutefois pu mettre à profit une bonne partie de l’expérience développée pour l’épine noire, ainsi que mes propres connaissances dans la récolte et l’usage des plantes médicinales, que j’ai complétées par diverses lectures de vieux bouquins ainsi que de témoignages de gens du crû. La dimension locale, et en même temps historique a paradoxalement grandement simplifié la sélection des plantes, des cépages ou encore du cognac et les combinaisons aromatiques se sont presque faîtes intuitivement.
Pour la partie technique en revanche, il a fallu ruser en développant des outils adaptés notamment pour le chauffage et la distillation des plantes qui me permettent de retrouver les techniques et les saveurs les plus authentiques, sans trop sacrifier à l’efficacité.
La défense à la fois du terroir mais aussi des traditions sont au cœur de votre démarche, pourquoi ?
C’est deux choses qui me tiennent vraiment un cœur. Pour moi la diversité des terroirs et des traditions c’est ce qui constitue la richesse et surtout la mémoire des régions, voir de la France entière. C’est un patrimoine vivant et quand un savoir-faire disparait, c’est un peu de la mémoire des lieux et des gens qui l’ont perpétué qui disparait avec. Donc à mon sens ça vaut clairement le coup de se battre pour le transmettre aux générations suivantes. Surtout à une époque ou tout devient fluctuant, et ou on a parfois l’impression qu’il y a une vrai perte de repères et d’identité. C’est peut être naif mais j’aime à croire que mon travail peut rentrer en résonnance avec ce genre de valeurs et de préoccupations actuelles.
Avez-vous d’autres projets de développement pour la Dame de Pique ?
Plein et je me projette déjà sur plusieurs années ! En ce moment je travaille sur un vermouth rouge dont la sortie est prévu pour cet été. L’idée étant de décliner à terme l’Elixir en 3 variantes différentes qui reflètent chacune un aspect géographique et saisonnier des récoltes. Ainsi l’élixir blanc est plus tourné vers le sous-bois avec des notes à dominantes automnales. La cuvée rouge reflètera quant à elle davantage l’ « esprit » des prairies et ce côté printaniers, plus doux caractéristiques des fleurs des champs qu’on a l’habitude de récolter aux beaux jours au pied de l’abbaye. Enfin, je pense terminer ce tour des saveurs de la commune par le verger avec un vermouth d’été un peu plus fruité mais là ce sera pour l’année prochaine !
Un conseil de dégustation ?
Dans l’idéal, la veine d’épine noire se sert légèrement réfrigérée à 7-8°C puis carafée juste avant le service qui se fera dans des verres tulipes. Pour le vermouth, on partira plutôt sur un verre à whisky avec quelques glaçons et un zest d’agrume. Mais chacun est libre d’apprécier mes cuvées comme il le désire tant qu’il y prend du plaisir !
Un grand merci à Romuald d’avoir répondu à nos questions et bravo pour son beau projet. Vous pouvez retrouver toutes les informations sur son site ici.