“L’art de prendre son temps”. C’est le slogan de l’indémodable Menthe-Pastille.
Prendre son temps, c’est s’asseoir pour déguster un cocktail Menthe-Pastille, par un après-midi d’été. Ce n’est pas un hasard si la Menthe-Pastille a convaincu son premier public lors de sa sortie l’été 1885, caniculaire.
Prendre son temps, c’est aussi éviter de bousculer la cadence du développement de l’entreprise familiale Giffard. Chaque génération (aujourd’hui les 4ᵉ et 5ᵉ) apporte sa pierre à l’édifice. Un édifice basé sur des valeurs qui ne sont jamais altérées au nom de telle ou telle mode passagère.
Prendre son temps, enfin, c’est observer la menthe pousser à son rythme, pour en obtenir le meilleur.
La Menthe-Pastille est le premier produit de l’entreprise Giffard. Son fondateur, Emile Giffard, est un pharmacien et herboriste de la fin du XIXᵉ siècle. Dans son enseigne du centre-ville d’Angers, il s’intéresse aux vertus rafraichissantes et digestives de la menthe. Il va alors découvrir une variété de menthe poivrée qui vient d’Angleterre : la menthe Mitcham, du petit village de Mitcham, au sud de Londres. À partir d’huile essentielle de cette variété, il concocte une liqueur cristalline aux vertus digestives, qu’il va nommer la Menthe-Pastille, en référence aux pastilles de menthes anglaises, très en vogue à l’époque. Nous sommes à l’été 1885, qui s’avère être extrêmement chaud. Emile rend visite à son voisin, le Grand Hôtel d’Angers, et fait goûter sa création aux clients. C’est un succès immédiat.
Deux mois plus tard, Emile Giffard décide de fonder la société Giffard & cie, et de bâtir une distillerie, autour de son premier produit qui restera iconique : la Menthe-Pastille. Dans son journal, qu’il rédigeait quotidiennement, ses descendants et actuels dirigeants de la marque ont retrouvé cette phrase : “L’avenir dira si j’ai eu raison”. À l’évidence, oui M.Giffard, vous avez eu raison, depuis au moins 139 ans.
Depuis 139 ans, la recette de menthe-pastille s’est transmise dans la famille Giffard, et demeure secrète pour le reste du monde. Elle est restée la même que celle qui a gagné tant de récompenses lors des expositions universelles que courrait Emile Giffard à la fin du XIXᵉ siècle. La même recette que celle qui a obtenu la médaille d’or aux Liqueurs Masters en 2016. La même recette que celle qui a obtenu la note maximum au Difford’s Guide. “Quand j’étais petite et que je rentrais, on disait “tiens papa fait de la menthe !” ça sentait la menthe dans toute la maison, il avait à peine ouvert la porte” – Edith Giffard. Bien que la menthe Mitcham ne soit pas la plus facile à cultiver, il est hors de question de changer de variété pour la famille Giffard.
Un peu de botanique : le type mitcham est une variété de menthe poivrée. La menthe poivrée, mentha piperita, est issue d’un croisement spontané entre deux espèces de menthe :
- La Mentha Spicata, qui a une saveur très chlorophylle, douce et sucrée
- Et La Mentha Aquatica, menthe sauvage qui pousse dans les fossés profonds et humides, avec un goût très fort et piquant.
À la croisée de la douceur et du piquant, la menthe mithcam est dotée d’un parfum irremplaçable, même parmi ses cousines, dans la catégorie des menthes poivrées. L’essence renfermée dans ses feuilles contient une grande part de menthol, qui confère à la Menthe-Pastille toute sa fraîcheur et son caractère unique. La menthe Mitcham est récoltée au début de l’été, avant la floraison, et l’extraction de son arôme en huile essentielle est réalisée très rapidement après. L’alcool et le sucre de betteraves françaises sont ensuite ajoutés pour réaliser l’équilibre parfait, aux proportions secrètes.
Depuis 2007, la famille Giffard a décidé de cultiver une partie de la menthe Mitcham au plus proche de la production de la Menthe-Pastille, en Anjou. La région est connue pour la culture de plantes aromatiques et médicinales, mais cette variété de menthe demande beaucoup de savoir-faire et de maîtrise. Pendant plus de deux ans, avec des producteurs locaux, ils ont mené des essais en micro-culture pour étudier comment cette variété de menthe pouvait s’épanouir dans la région angevine. Une recherche qui s’est faite grâce au soutien de l’Iteipmai et d’Adatris Anjou Plantes. L’entreprise a mis en place des partenariats avec des agriculteurs locaux pour développer cette culture de plants de menthe Mitcham en Anjou. En 2013, la première récolte de menthe Mitcham s’est faite à Chemillé-en-Anjou.
Comment se déguste la menthe pastille ?
Si vous demandez à Edith, Bruno, Emilie ou Pierre Giffard, représentants des 4ᵉ et 5ᵉ générations, ils vous répondront de le déguster sur de gros glaçons. C’est pour eux la meilleure manière d’en profiter, avec une texture et une température parfaites. Mais vous pouvez aussi tenter des variantes pour trouver votre propre manière : la Menthe-Pastille sortie du congélateur, ou dans de la glace pilée… La Menthe-Pastille s’apprécie aussi en long drink avec de l’eau pétillante, ou du tonic pamplemousse. Côté bar, les bartenders l’utilisent pour apporter de la fraîcheur à leurs créations de cocktails.
La Menthe-Pastille, c’est un goût unique, mais c’est également un état d’esprit, à la fois vintage et artistique. Dès ses débuts, Emile et son fils Maurice Giffard ont fait appel à des illustrateurs pour les publicités de Menthe-Pastille, qui sont aujourd’hui de véritables œuvres d’art. Ils ont collaboré avec des artistes du début du XXᵉ siècle comme Misti, Ogé ou encore Cappiello. Une exposition, ‘The Spirit of Art’ by Giffard, en 2013, a d’ailleurs été consacrée à ces publicités, à Londres, dans la galerie de Covent Garden. Elle est toujours exposée aujourd’hui à l’Espace Menthe-Pastille, un lieu ouvert au grand public et dédié à l’histoire de la liqueur.
La maison Giffard entretient aussi des liens étroits avec l’école des Beaux-Arts d’Angers. Il se trouve que la première usine ouverte par Emile Giffard comportait un passage direct vers cette école. Lorsque son petit-fils Jacques a vendu le bâtiment pour agrandir la production, la ville l’a racheté pour en faire de nouveaux ateliers pour l’école. Le bâtiment est aujourd’hui le dernier du XIXᵉ siècle encore existant, conservé tel qu’il a été bâti en 1890 par Emile Giffard. Les élèves travaillent parfois sur la Menthe-Pastille et son histoire dans leurs créations et leurs designs, dans le cadre de partenariats avec l’entreprise, notamment autour des journées du patrimoine.
Les éditions limitées de Menthe-Pastille, qui sortent en fin d’année, sont également le lieu d’expression pour des créations graphiques, dans l’univers de la marque. Par exemple, pour l’édition “ballons”, on retrouve des bouteilles colorées au graphisme vintage, en hommage à Maurice Giffard, passionné de ballons dirigeables.
La Menthe-Pastille est le premier produit et l’icône de la marque Giffard, qui a développé par la suite bien d’autres liqueurs, sirops et désormais sans alcool (sincèrement délicieux). Mais la philosophie familiale demeure, quels que soient les produits : la qualité et l’authenticité avant tout.
“Les valeurs du fondateur, mon arrière-grand-père, animent toujours l’entreprise. L’exigence, le secret des recettes, l’esprit d’entreprendre, la transmission de génération en génération ont fait de la distillerie une entreprise familiale centenaire, indépendante et toujours prête à évoluer.” Bruno Giffard.