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Liqueur d’orange, Triple sec, curaçao… Difficile de s’y retrouver.

Plus qu’une différence d’arômes, ce sont avant tout des différences historiques et culturelles qui permettent de départager ces spiritueux.

Tout d’abord, triple sec et curaçao sont tous les deux des liqueurs d’écorces d’orange. Le terme liqueur d’orange, ou liqueur d’agrume, est générique et représente toute la catégorie.

Maintenant que ces pré-requis sont posés, dans cet article, vous découvrirez :

  • L’histoire du Curaçao
  • L’histoire du triple sec
  • La façon dont les deux s’entremêlent
  • La différence entre curaçao et triple sec
  • Deux recettes de cocktail à réaliser avec du triple sec ou du curaçao, selon vos préférences !

Et maintenant, un peu d’histoire pour comprendre la genèse du curaçao et du triple sec.

Ile Curacao

Histoire et culture : à l’origine des recettes

Histoire du curaçao

Au XVIIᵉ, les hollandais, voyageurs et grands négoces, commercent sur les mers du globe. Ils ont de bonnes connaissances en distillation. (C’est d’ailleurs ainsi qu’ils sont à l’origine du brandy, lorsqu’ils achètent du vin en France pour le distiller. Mais ceci est une autre histoire.)

Au cours de leurs voyages, ils découvrent une île des Caraïbes : l’île de Curaçao, qu’ils colonisent. Et sur cette île, se trouve une orange trop amère pour être consommée, mais extrêmement parfumée : l’orange Laraha, ou orange Curaçao. Cette variété d’orange vient en réalité de Valence, et a été introduite dans l’île par les espagnols, qui l’avaient découverte au XVIᵉ siècle. Le climat chaud et sec de Curaçao les a rendues immangeables d’amertume, mais les habitants ont découvert que leurs pelures séchées au soleil étaient remarquablement parfumées.

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Lorsqu’ils découvrent ces oranges, les hollandais décident de faire macérer leurs écorces dans l’eau-de-vie, puis distillent le résultat pour obtenir une liqueur douce et aromatique : le curaçao est né.

Comme ils pratiquent leur commerce sur de nombreuses mers, ils rendent cette boisson populaire sur tous les continents où ils accostent.

Cependant, le Curaçao ne bénéficiant pas d’une appellation protégée, il est possible d’en produire partout, et de faire varier la recette. Les curaçaos d’aujourd’hui sont peu à utiliser des oranges Lahara. La distillerie Senior & co, créée en 1896, est le seul producteur de curaçao qui se situe sur l’île. Celle-ci utilise encore des écorces d’orange Lahara, ainsi que de l’alcool de canne à sucre, pour distiller sa liqueur.

spanish_period_curacao

Histoire du triple sec

Deux marques françaises bien connues prétendent à la paternité du triple sec : Combier et Cointreau.

D’un côté, Jean-Baptiste Combier et sa femme, Joséphine Destre, auraient été les premiers à créer le triple sec, en 1834, à Saumur, à partir d’oranges amères d’Haïti, et d’oranges douces de Valence.

De l’autre, Edouard Cointreau aurait inventé en 1875 un procédé de distillation, pour obtenir une liqueur d’orange trois fois plus concentrée en arôme et moins sucrée que ses congénères de l’époque.

Cointreau publicité

© Cointreau

Qui a donc été réellement le premier à inventer le triple sec ? Mystère.

Ce qui est certain, c’est que Cointreau est la première marque de “triple sec”, attestée par le dépôt du 20 mai 1885 au greffe du tribunal de commerce d’Angers.

Aujourd’hui, plus d’une douzaine de marques produisent du triple sec, comme Bols, Boudier, Marie Brizard, Merlet, Warenghem…

Publicité-De-Presse-1926-Combier-Délicieuse-Liqueur-Puissant

© Combier

Conclusion : Triple sec et Curaçao ont des histoires distinctes ?

Pas vraiment en réalité.

En effet, au cours de leurs voyages commerciaux, les néerlandais ont introduit le curaçao en Europe. On trouve par exemple des traces d’une liqueur similaire au triple sec à travers les premiers curaçaos de l’exposition universelle de 1878. Cette liqueur d’orange est devenue populaire dans nos contrées dès le XVIIᵉ, et a fini par inspirer M.Combier et M.Cointreau, qui ont décidé de créer leur propre recette. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que ces deux marques soient françaises, car les échanges commerciaux entre la France et les Pays-Bas sont nombreux en matière de spiritueux à partir du XVIIᵉ siècle.

Déjà en 1857 (12 ans après la création de Cointreau Frère), les frères Cointreau avaient créé un “Curaçao à la manière de la Hollande “ avec uniquement des écorces d’oranges amères . Le Triple sec Cointreau sera créé par Edouard Cointreau lorsque ce dernier ajoutera des écorces d’oranges douces à la recette, et qu’il modifiera les conditions de macération et de distillation des écorces. Le triple sec est donc un descendant, voire un frère du curaçao.

Cointreau publicité

© Cointreau

Quel que soit l’inventeur du triple sec, l’intention était la même : créer une liqueur d’orange très pure, très aromatique et moins sucrée que ce qu’on trouvait alors sur le marché.

Si l’on regarde l’historique marketing de Cointreau, la liqueur a d’abord été nommée Triple sec Cointreau. Puis quelques années plus tard, le terme Curaçao blanc a été ajouté sur l’étiquette. À cette époque, le Curaçao était en effet très populaire, et Cointreau a profité de ce succès. Le terme a été supprimé par la suite, pour se démarquer des nombreuses liqueurs de Curaçao bon marché qu’on trouvait alors.

De son côté, Senior & co n’a communiqué qu’avec le terme Curaçao liqueur jusqu’au début du XXIᵉ siècle. Mais aujourd’hui, on retrouve le terme triple sec sur les étiquettes, comme un gage de qualité.

L’utilisation du nom Triple sec ou Curaçao vient donc plutôt d’une préoccupation markéting, selon les modes de consommation du moment.

 

Triple sec ou Curaçao ?

Quelle est la différence entre Triple sec et Curaçao ?

Pour tordre le cou à une idée couramment admise : le curaçao n’est pas une liqueur d’orange en version vieillie, réalisé avec du cognac ou du brandy, alors que le triple sec serait une version claire, réalisée avec un alcool neutre ou un alcool de sucre de betterave.

Il n’y a pas d’appellation ou de définition stricte, ni du triple sec, ni de la liqueur de curaçao. L’équipe de Maison Ferrand s’est penchée sur cette question et a observé une multitude de recettes de curaçao et de triple sec différentes au XIXᵉ. À l’époque, les étiquettes affichant un simple “curaçao” étaient souvent collées sur un produit bas de gamme, alors que les “curaçao triple sec” représentaient les meilleures liqueurs.

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© Ferrand

Une autre différence tenait à l’origine à l’utilisation de l’orange Lahara pour la production de Curaçao. Mais si cette dernière était utilisée par les hollandais à l’origine de cette boisson, de nombreux curaçaos ont rapidement été réalisés avec d’autres variétés d’oranges, en l’absence d’appellation protégée.

Au XXème siècle, certains producteurs de Curaçao ont eu la triste idée de colorer cette liqueur en bleu. Certes, c’était par conséquent facile de la distinguer du triple sec dans ces conditions, mais la couleur totalement artificielle a dénaturé le produit. Les curaçaos bleus sont généralement des produits bas de gamme et très sucrés.

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© Combier

Le triple sec, quant à lui, porte ce nom car il est réalisé à partir d’une triple infusion : chacune des trois infusions est menée avec le plus grand soin pour récolter le meilleur des arômes d’orange

Combier distille son triple sec à partir d’écorces d’orange antillaises et un alcool de grain neutre. Cointreau utilise pour sa part des écorces d’orange, à la fois brésiliennes pour le côté amer, et française pour les douces, avec un alcool de betterave sucrière.

Il n’y a pas de distinction stricte, et chacun peut se revendiquer d’être un triple sec ou un curaçao.

Aujourd’hui, sur l’étiquette du Ferrand Dry Curaçao, on retrouve également le terme “triple sec”. En 2013, l’équipe de Maison Ferrand a créé sa propre formule, en s’inspirant des meilleures recettes du XIXᵉ, pour sublimer l’écorce d’orange Lahara. On retrouve donc un curaçao triple sec haut de gamme, qui revient aux origines de la recette.

Ferrand Dry Curaçao

© Ferrand

Lequel des deux utiliser pour un cocktail réussi ?

En l’absence de distinction nette, le mieux est de tester chaque produit pour savoir lequel vous convient le mieux pour réaliser vos recettes de cocktail.

En matière de triple sec et de curaçao, le nom importe moins que le goût dans votre verre.

Allez, pour ne pas faire de jaloux, on vous propose deux recettes ultra-classiques à base de curaçao et de triple sec. Mais vous l’aurez compris, vous pouvez intervertir les deux selon ce que vous préférez.

 

Mai Tai

25 ml de jus de citron vert

15ml de curaçao

15 ml de sirop d’orgeat

25 ml de dark rhum

25 ml de rhum banc

Versez tous les ingrédients dans un shaker rempli de glaçon. Shaker vigoureusement. Double filtrez dans un verre rempli de glaçons. Ajoutez un peu de glace pilée, et garnir d’une feuille de menthe, d’un zeste d’orange et d’un bâton de cannelle.

Mai Tai cocktail

© Cointreau

 

Margarita

25 ml de jus de citron vert

25 ml de triple sec

50 ml de téquila

Frottez une rondelle de citron sur le rebord du verre. Tapotez le rebord humide contre une petite assiette de sel (astuce : on peut ajouter du piment d’Espelette au sel). Verser tous les ingrédients dans un shaker rempli de glaçons. Shakez vigoureusement. Double filtrez dans un verre sans glace.

Cheers !

margarita Cointreau

© Cointreau