Cette semaine on vous emmène sillonner les routes champenoises à la rencontre de Caroline Latrive, chef de cave de la très raffinée Maison Ayala. De son travail dans la définition du style Ayala aux enjeux de la Maison dans les prochaines années, elle a accepté de répondre à nos questions.
En 2012 vous devenez la chef de cave d’Ayala, pourriez-vous nous parler de votre parcours avant de rejoindre cette Maison historique de champagne ?
Je suis une pure champenoise, je suis née à Reims et j’y ai suivi toutes mes études : j’ai obtenu mon Deug de biologie Biochimie et mon Diplôme national d’œnologie à la faculté de Reims en 1999. Tout au long de mes études, j’ai effectué des stages en Maisons de Champagne (Champagne Piper Heidseick , Champagne Roederer, Champagne Palmer…). Mon diplôme en poche, c’est Champagne Bollinger qui m’accueille pour 4 mois (pour la période des vendanges, vinification et pré-assemblage) puis je rejoins mon père dans le laboratoire de conseil Œnologique.
Après quelques années au service des vignerons (années extrêmement enrichissantes durant lesquels j’apprends et je mets mes connaissances au service de l’expression du style de chacun des vignerons), je décide de reprendre mes études (Master œnologie vins de champagne à Reims).
Cette formation m’offre la possibilité d’une nouvelle immersion professionnelle et c’est Champagne Bollinger qui m’accueille une nouvelle fois pour mon stage de 2 mois. Ce stage terminé, Bollinger me confie d’autres missions et j’y reste près de 2 ans. Dans un même temps, Champagne Ayala est racheté par la Famille Bollinger, c’est alors qu’on me propose de seconder le chef de cave de l’époque Nicolas Klym.
Je resterai 5 ans à ses côtés pour apprendre toutes les spécificités de la Maison, tous les secrets, et à son départ en retraite, fin 2011 on me confie la responsabilité de la production, de la vinification et de l’élaboration des cuvées de la Maison.
En rejoignant la Maison on vous confie alors comme mission de réinventer une identité propre à Ayala, comment avez-vous fait ce travail ? On imagine que c’est un travail au long cours.
A l’arrivée d’Hadrien Mouflard, notre directeur General milieu 2012, nous avons beaucoup travaillé sur la définition précise du style des vins de la Maison. Après une phase d’introspection, de recherche des fondamentaux, sur l’identité, l’héritage de ce qui nous a été laissé… nous avons décidé de nous recentrer sur 5 cuvées identitaires de la Maison faiblement dosées (ou pas dosée), dans lesquelles le chardonnay (cépage que j’affectionne particulièrement) prend une place de privilégie dans les assemblages. Je dirais que ma mission a été et est toujours de sublimer l’expression du chardonnay à travers nos cuvées et dans le plus grand respect du style de la Maison.
Nous avons également réhaussé la barre en termes de qualité via notre outil de production avec une réfection complète de nos cuves inox et l’inauguration d’une nouvelle cuverie à la pointe de la technologie pour la vendange 2018. Mais également via la qualité et la diversité de nos approvisionnements, aujourd’hui j’ai à disposition 120 cuves de 20hl à 200hl, ce qui me permet d’isoler indépendamment chaque cépage, chaque cru et chaque année gardant intègre sa spécificité de la vendange jusqu’au choix pour l’assemblage.
Comment peut-on définir le style Ayala aujourd’hui ?
A travers les cuvées de la gamme, le style frais et élégant des vins d’Ayala s’exprime pleinement par une grande fraîcheur aromatique, une texture soyeuse et une ligne pure.
La fraîcheur aromatique est apportée par le chardonnay mais aussi par la grande diversité des crus vinifiés séparément ce qui permet d’avoir à disposition une belle palette aromatique variée ainsi qu’un apport de 25% de vins de réserve.
La texture soyeuse quant à elle est apportée par la fermentation malolactique qui apporte de la rondeur et aide à l’expression des fruits plus mûrs, le vieillissement prolongé donne de la profondeur et de la complexité aromatique et enfin l’équilibre de l’assemblage avec le pinot noir qui donne de la structure et le pinot meunier du fruit.
La ligne pure se traduit grâce à la vinification en cuve inox qui révèle les caractéristiques pures du vin ainsi que le dosage minimaliste qui permet une grande précision.
On parle du rôle d’alchimiste du chef de cave dans l’élaboration des champagnes, comment arrive-t-on à concevoir des champagnes d’une saveur constante tout en signant l’identité propre d’une Maison ?
Pour reproduire la signature stylistique de la Maison, il est vrai qu’au moment de l’assemblage de la cuvée, il faut une certaine capacité à évaluer et se projeter dans le futur pour en imaginer l’évolution de cette cuvée, après prise de mousse, vieillissement sur lies, dégorgement et dosage ajusté. Grâce à la grande palette aromatique et l’outil de vinification que j’ai à ma disposition je suis en mesure de créer des assemblages qui préservent cette signature AYALA chaque année. L’assemblage est un art, comme un artiste peintre joue avec les couleurs, je travaille chaque cru, chaque cépage et chaque année tout en finesse afin d’obtenir le meilleur de cette belle matière. C’est par exemple, pour la cuvée Brut Majeur assemblée cette année, la sélection de plus de 66 crus différents qui révèle la grande diversité et fraîcheur aromatique et ce qui est mon interprétation de l’équilibre parfait pour cette cuvée.
Historiquement Ayala est très apprécié en Angleterre. Est-ce toujours le cas ? Et quels sont les pays qui apprécient le plus le style de la Maison ?
Tout comme la France, l’Angleterre est un marché historique pour AYALA, déjà à sa fondation la Maison y était un acteur majeur grâce à la relation privilégiée que la famille AYALA entretenait avec la cour Royale d’Angleterre. Nous réalisons 70% de nos ventes à l’export dans plus de 60 pays notamment aux Etats-Unis, au Japon, en Italie, en Belgique en Espagne et partout en Europe.
Quels sont les enjeux de la Maison dans les prochaines années ?
Chez AYALA nous sommes en constante effervescence, grâce à notre équipe jeune et à taille humaine, nous avons de nombreux projets en cours dans une démarche de recherche constante de qualité. Avec notre nouvelle cuverie qui a vu le jour fin 2017 et que vous pouvez visiter, les nombreuses cuves de multiples capacités, les cuves en forme d’œufs, j’ai de nombreuses expérimentations en cours.
Mais celui que je peux partager et faire déguster aujourd’hui est notre cuvée N°7. Une cuvée collection, en édition limitée qui est le fruit d’un magnifique assemblage de 7 grands crus (pour le chardonnay : Mesnil sur Oger, Chouilly, Cramant, Avize, Oger, pour 80% et en PN pour 20% en provenance de Verzy et Ay) 7 grands crus de caractère qui font de cette cuvée un grand vin qui s’exprime avec d’élégance pureté précision.
Une dernière question, plus personnelle, quelle est votre cuvée favorite ?
J’affectionne tout particulièrement Le Blanc de Blancs car je suis addicte du Chardonnay. Pour moi c’est la quintessence du Chardonnay qui provient exclusivement de la Côte des Blancs, le terroir le plus propice aux Chardonnays à beau potentiel de garde.
Un grand merci à Caroline Latrive pour ses passionnantes réponses