C’est l’une des très belles histoires du whisky japonais, et pourtant elle reste encore peu (re)connue. Depuis 1918, la famille Shirai, installée dans la ville d’Hatsukaichi (préfecture d’Hiroshima), produit saké, sochu, et y assemble son propre whisky. Après de nombreuses années à maîtriser l’art de l’élevage et de l’assemblage, cette famille a inauguré en 2018, sur les conseils de son distributeur français les Whiskies du Monde, la distillerie Sakurao (produisant le whisky Togouchi), renouant ainsi avec le savoir-faire de la distillation et lui permettant de rejoindre le cercle fermé des distilleries de malt et de grain au Japon.
Si l’histoire de la famille Shirai résonne intimement avec la notion d’héritage, c’est parce qu’elle commence à la fin du XIXème siècle. À cette époque, Ichiro Shirai, après s’être formé au métier de brasseur et de distillateur dans la brasserie de saké de son oncle, fonde avec celui-ci en 1918 la brasserie Chugoku Jozo, non loin d’Hiroshima.
Rapidement, la brasserie obtient le droit de distiller le shochu, ainsi que le Honjozô-shu (une eau-de-vie d’orge et de betterave). Puis, en 1938, alors que les Japonais se passionnent pour le whisky, elle lance sa propre marque Glory Whisky : un blend issu de l’assemblage de whiskies importés d’Ecosse et de malt nippon grâce à l’installation d’un premier alambic pot still en 1958.
Mais après ces années fastes, le Japon tombe en récession et Chugoku Jozo suspend sa production de whisky en 1986 pour ne s’appuyer que sur les stocks contenus dans son chai secret.
Hop hop hop ! Quel chai secret me direz-vous ? Et bien c’est l’une des spécificités de la distillerie. Alors que le whisky ne se vend plus, et manquant de place à la brasserie, la famille Shirai décide de stocker ses fûts à 70 km de là, au cœur de la montagne. C’est dans un ancien tunnel ferroviaire creusé à même la roche et à 800 m d’altitude que la famille décide ainsi de faire maturer ses fûts dans des conditions idéales : une température stable toute l’année de 14 °C et 80% d’humidité.
Si notre histoire aurait pu s’arrêter là, c’est sans compter sur le renouveau du whisky japonais et notamment sur la passion des Français pour ce spiritueux. En 2010, le distributeur les Whiskies du Monde souhaite intégrer dans son portefeuille l’un de ces spiritueux japonais. Après un tour de l’archipel, Arnaud Pontoizeau, directeur général, s’arrête chez Chugoky Jozo pour y découvrir Togouchi, un whisky assemblé à partir des stocks présents dans ce chai souterrain.
Si la suite de l’histoire semble évidente : dégustation, coup de foudre, une commande, deux commandes, de multiples commandes, … celle-ci prend une nouvelle tournure en 2015, lorsque les Whiskies du Monde deviennent copropriétaire de la marque Togouchi pour l’Europe, et soufflent l’idée qui façonnera le futur de la marque : réintégrer le savoir-faire de la distillation.
C’est chose faite en 2018 avec la construction d’une nouvelle distillerie sur le site de l’ancienne brasserie. Son nom ? Sakurao. Imaginée par la cinquième génération de la famille Shirai, celle-ci se veut polyvalente avec la production de saké, de shochu, et bien évidemment de whisky. Résolument contemporaine, elle intègre aussi deux alambics (un pot still et un alambic hybride) afin de distiller le malt, et a modifié son alambic traditionnel pour le shochu en y intégrant une colonne en cuivre permettant de distiller en continu des whiskies de grain. Cette capacité à distiller un single malt (de l’orge maltée distillé sur place) et un « single blend » (assemblage de grain et de malt distillés sur place), permet ainsi à Sakurao de rejoindre le club fermé des distilleries japonaises ayant la possibilité de distiller malt et grain.
Depuis la création de cette nouvelle distillerie, Togouchi peut ainsi subvenir à ses besoins et distille l’ensemble de sa production (orge maltée ou non) sur place. En témoigne ainsi le lancement en 2021 du tout premier single malt Togouchi : un whisky japonais distillé à Sakurao et vieilli dans une combinaison de fûts de bourbon et de sherry. En parallèle de cette référence, la marque et Whiskies du Monde développent depuis plusieurs années maintenant une gamme très réussie de blends, assemblages de whisky de grain et de malt, intégralement distillés au Japon, vieillis dans le chai souterrain et bénéficiant de différents finish : bière, saké ou encore fûts de whisky tourbé d’Islay.
Et en cette fin d’année, la distillerie franchit une nouvelle étape en proposant un tout nouveau Single Cask, Togouchi Mizunara. C’est une référence issue de la sélection d’un unique fût et qui a bénéficié d’un vieillissement de 5 ans dans des fûts de mizunara, un chêne asiatique, rare, particulièrement difficile à travailler pour les tonneliers mais apportant au whisky une palette aromatique singulière. Disponible chez les cavistes au prix de vente conseillé de 280 €, il est naturellement distribué par les Whiskies du Monde.